Quitter la ville pour vivre en chalet

Ce projet me trottait dans la tête depuis plusieurs années, mais entre la tentation de l’exil et le départ réel pour la campagne québécoise, encore plus pour un immigré loin de son pays natal, il y a un monde à franchir. Vivre en région ne s’improvise pas, car au-delà du bouleversement qu’une telle initiative peut représenter pour un citadin habitué aux chahuts des villes — rappelons que j’ai vécu à Paris, à Bordeaux et à Nancy en France, puis à Montréal au Canada —, l’immersion en milieu rural constitue un défi de taille. Connaissant la rudesse des hivers québécois, il y a bien des facteurs à considérer avant de s’engager. Retour sur mes motivations et ma première expérience de néorural installée à Sainte-Brigitte-de-Laval.

Renouer avec la nature et vivre sa passion pour le plein air

Je ne vais pas cacher le premier motif de ce projet de vie, à savoir le désir insatiable de me sentir proche de la nature, et de me reconnecter avec un environnement plus « sauvage ». Pris dans le cycle infernal d’une vie agitée, je reste persuadé qu’une prise de recul est indispensable à quiconque souhaite se recentrer sur l’essentiel. Sur ce point, la nuisance occasionnée par le surnombre et le cadre urbain sont d’une certaine manière un frein pour l’émancipation de l’esprit, ou du moins devrais-je dire pour son retour à des valeurs plus primitives. Vivre au rythme de la nature, observer sa métamorphose au fil des mois et se fier à l’acuité de ses sens pour palper l’essence même de la Terre, et indiscutablement de la vie : l’objectif est ambitieux. Nul besoin de pousser jusqu’à la survie, l’immersion en des espaces plus silencieux, plus purs et plus grands peut suffire à stimuler notre instinct. J’aime admirer la lune quand elle est pleine, et qu’elle inonde la nuit de son voile lumineux, j’aime chasser du regard les étoiles quand le ciel est dégagé, et j’apprécie tout autant scruter les feuillages des arbres, qui forment une muraille tout atour de moi, ces mêmes arbres qui, enracinés sur le versant des montagnes, rougissent à l’automne, se dévêtissent à l’hiver, pour renaître au printemps et enjoliver l’été. Quel spectacle, quand on y pense ! Rien que cette expérience contemplative est en soi une récompense offerte par notre chère Terre-Mère à tous ceux qui s’évertuent à y être attentif.

D’autre part, vivre en milieu rural offre un accès privilégié aux grands espaces. Avec une maison basée au pied de la montagne Le Maelström, à quelques kilomètres de La Montagne à Deux tête, encerclée par la forêt et enfin sans vis-à-vis avec le voisinage, autant dire que le sentiment d’avoir les sentiers pour soi, ou presque, est bien réel. Le cadre est donc idéal pour s’adonner à la pratique du trail, à la randonnée, au cyclisme, à l’escalade ou encore à d’autres activités de plein air qu’il convient d’adapter en fonction de la saison : ski, patin à glace, raquettes de neige etc. Sortir de chez soi et profiter d’autant de possibilités pour se mettre en mouvement est sans aucun doute un avantage majeur de ce mode de vie. Et si les montagnes québécoises ne sont pas très hautes, elles méritent d’être explorées, et admirées sous les feux du crépuscule.

Entre l’isolement et la réinvention de son quotidien : la quête de l’équilibre

Si je sais ce que j’y gagne, je suis également conscient de ce que j’y perds : diversité ethnique, interactions sociales, proximité des commerces et des autres commodités. Tout ce qui me paraissait simple en ville ne l’est plus autant, voire pas du tout, en campagne. Les nuisances, au sens large, de la vie citadine, ainsi que la spontanéité des rencontres et des activités diverses et culturelles laissent place à un vide. Un vide que la nature à elle seule peut combler, mais pas en totalité. La transition n’est donc pas si simple ; elle demande du temps. Bien-sûr, je ne suis pas seul. Ce point de bascule, nous l’avons franchi à deux avec ma partenaire de vie — sans oublier le chat qui nous suit dans nos périples — et il est important pour chacun de nous de redéfinir son périmètre de bien-être, mais surtout, de mettre en place la dynamique nécessaire pour nourrir la sphère sociale et amicale.

Mon constat est simple : j’étais auparavant un citadin aspirant à se déplacer régulièrement en nature pour respirer, explorer, s’entraîner à l’extérieur de la ville ; je suis aujourd’hui le néorural profitant de sa solitude, toutefois relative, et cherchant parfois l’occasion de prendre un bain de foule. Une sorte d’ironie cohérente, puisque finalement, je n’ai fait que déplacer le curseur sur l’axe du bonheur. Il s’agit alors d’un équilibre à retrouver, si ce n’est à reconstruire. Je l’admets, il arrive que Montréal et mes proches sur place me manquent, voilà pourquoi j’y retourne régulièrement à l’occasion d’une fin de semaine ; par ailleurs, Québec n’est qu’à vingt minutes en voiture. Mais se réveiller dans les bras de la nature, la côtoyer chaque jour en jouissant de sa beauté et se réchauffer auprès du poêle à bois avec un bon livre entre les mains lors des soirées froides d’hiver, ce sont justement des moments qui se savourent.

Alors oui c’est vrai, je ne compte plus le temps que je passe à pelleter la neige sur ma terrasse, l’effort physique qu’il faut pour le moindre déplacement à pied, car on ne trouve que du dénivelé dans les alentours — et cela, pour mon plus grand plaisir —, ainsi que pour corder mon bois ou tout simplement entretenir un terrain qui peut vite se transformer en jungle verdoyante. Mais ce ne sont là que des détails qui ne sauraient entraver le plaisir de s’accomplir au sein de la nature canadienne, comme tout Européen peut la concevoir. Un épisode de vie qui dans tous les cas marque l’aube d’un nouveau chapitre.

Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit car ce soir, ce sont les astres qui frappent à ma fenêtre…

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